L’analyse de pratiques, une nécessité !

 Vendredi 30 mars 2018

Expérience d’analyse de pratiques auprès d'un groupe de déléguées à la protection des majeurs.

Mardi 14H : c’est l’heure pour moi de retrouver ce groupe de déléguées à la protection des majeurs pour leur séance mensuelle d’analyse de pratiques. Deux heures offertes pour se poser, prendre du recul, déposer les difficultés dans leur mission d’accompagnement d’adultes placés sous tutelle et curatelle.

Après la collecte des sujets qu’elles souhaitent aborder, elles s’accordent pour parler aujourd’hui d’Estelle, jeune femme porteuse d’une trisomie 21 et souffrant d’une cardiopathie qui s’est dernièrement aggravée. Depuis l’âge de 2 ans, Estelle a vécu en famille d’accueil mais aujourd’hui où va-t-elle demeurer ? Au foyer qui lui dispense les soins médicaux nécessaires ? Dans sa famille d ‘accueil limitée pour lui donner les soins dont elle a besoin ?

Anne amène la situation de Kévin, âgé de 20 ans, sous curatelle. Anne lui a trouvé successivement plusieurs logements ; Kévin a découragé beaucoup de propriétaires ; après moult démêlés ou ennuis avec la police, la justice, les voisins, l’assistante sociale chargée de Kévin, qui doit justifier d’un domicile, s’inquiète car Kévin aujourd’hui a déserté son domicile et vit dans la rue…


A mon humble place de régulatrice des échanges dans le groupe, je fais vivre discrètement mais assurément la pédagogie structurée, « cadrante » de PRH en analyse de pratiques, permettant à chacune de pouvoir s’exprimer jusqu’au bout et d’être écoutée, respectée dans sa manière de voir et de ressentir une même problématique. Chaque déléguée amène un ou plusieurs éléments objectifs, exprime son vécu, et parfois apporte une expérience qui fait écho.

J’écoute et j’entends leurs difficultés et les sentiments qui les traversent  face aux différents acteurs, partenaires de leur association: incompréhension, découragement, colère, sentiment d’impuissance.
Mais j’entends aussi leurs observations, leurs questions pertinentes. Je perçois leur recherche, leur bon sens, leur grande capacité à se remettre en question, leur professionnalisme, et surtout leur extrême bienveillance à l’égard de la personne majeure qu’elles accompagnent. J’entends le tiraillement qu’elles peuvent ressentir entre honorer leur mission et le mandat qui leur est confié par le juge et respecter le majeur protégé dans sa dignité, dans sa liberté. J’entends que ce qui conduit leur discernement face à la décision à prendre, est l’intérêt du majeur protégé, son bien. Il s’agit pour elles de tout prendre en compte, d’écouter leur conscience profonde. Cette séance les y aide, en leur permettant de poser à plat tous les éléments qui composent la situation face à laquelle elles se trouvent et d’exprimer l’ensemble de leurs réactions. La parole, la perception, le regard de chacune comptent. Je vois combien ces regards croisés amènent de la clarté, de la lucidité sur la situation et font émerger des pistes d’avancée.

A la fin de ce temps, elles sentent qu’elles devront rester bien « campées » dans leur mission et dans leur rôle. Elles ont conscience et acceptent que leur décision suscitera des frustrations, des désaccords, des émotions, et peut-être même des jugements autour d’elles. Elles se sentent aussi soulagées d’avoir pu déposer leur vécu et se rendre compte qu’elles ne sont pas seules à vivre certains sentiments. Elles se sentent légitimées dans leur expression, leur vécu. Anne prend davantage conscience de tous les actes qu’elle a déployés pour Kévin et qui ont été mis en échec. Elle réalise qu’elle est aujourd’hui le seul lien pour lui et que finalement, lorsque tout semble avoir échoué, il s’agit d’aimer et d’être là.

Et moi dans tout ça ?

Je ressens une profonde considération pour ces déléguées à la protection des majeurs .Je me sens m’incliner devant leur noble mission de protéger et d’accompagner ces personnes en très grande fragilité, avec une telle humanité. Je suis près d’elles et en même temps à bonne distance de ces situations qu’elles vivent. C’est cette posture qui permet de guider et réguler les échanges avec la méthode PRH. Mais je me sens avant tout dans l’ouverture la plus grande à elles, au service de leurs besoins, de leur recherche. Je suis témoin de leur place essentielle dans notre société, témoin de la qualité de leur travail, témoin aussi du besoin vital de tous ces travailleurs sociaux parfois si malmenés, d’avoir un tel lieu pour « poser leurs valises », échanger, être entendus, ouvrir des chemins quand parfois l’horizon semble bouché.

L’analyse de pratiques est un besoin vital pour retrouver du sens à son action, rejoindre à nouveau en soi l’élan parfois étouffé par les difficultés. Je suis témoin qu’elle crée plus de cohésion et de solidarité dans l’équipe. Permettre à ces travailleurs sociaux d’en bénéficier, c’est honorer leur très noble mission, c’est faire preuve à leur égard de bientraitance, de respect, de considération.

En repartant, je me sens remplie de gratitude pour ces femmes. Le travail avec elles m’a remis dans mon propre élan de les accompagner et d’occuper juste ma place et mon rôle dans la société.

Marie-Odile CROZAT, Formatrice agréée PRH

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